Focus sur le Jardin des Délices :

Volets extérieurs

Dans le Jardin des Délices, le peintre révèle le crépuscule ardent comme une lente chute de l’humanité et une punition destinée à toutes origines sociales. Des supplices sont infligés par Satan, le monstre à tête d’oiseau qui engloutit les damnés pour les réduire à l’état d’excréments. Les oreilles percées d’une flèche symbolisent le malheur ou la surdité à la parole divine.
Des individus d’un genre carnavalesque se mélangent aux soldats et hommes d’église pour mourir dans un enfer de musiciens. Au premier plan, des instruments à grande échelle utilisés par les démons deviennent des instruments de torture. Ainsi, la vie rime avec la mélodie de la mort.
L’imagination de l’artiste fait ressortir la laideur humaine dans le bien et le mal, confondus par des juxtapositions d’icônes sacrées et païennes. La folie ou la bêtise a un sens moral et non médical dans ses compositions. Jheronimus Van Aken de son vrai nom, exprime un sentiment de piété personnelle. Sa peinture rejette autant le peuple laïc que les membres du clergé malgré l’affiliation du maître à la confrérie Notre-Dame.
Dans une perspective bien chrétienne, le triptyque fantastique serait la représentation du Paradis des adamites. Le volet gauche est sans doute associé à une scène de mariage dans un geste de la bénédiction de Dieu et de la représentation de la création d’Eve.
L’extérieur monochrome, sujet de la création du monde, contraste formellement avec les couleurs variées des panneaux intérieurs. Dans ce paysage sans vie, où l’eau submerge la quasi-totalité de la terre, la scène illustre l’après déluge. Le fidèle peut lire cette peinture comme une prévention historique.
Une fontaine de jouvence se déploie au centre du jardin enchanté. Des rondes de cavaliers chevauchant toutes sortes d’animaux se déploient comme des danses amoureuses, occupations fréquentes de la noblesse du temps.
La faune ,inspirée en partie par le savoir naturaliste de l’époque, témoigne d’une vie pacifiée par l’enrichissement d’animaux sereins sur deux des battants. D’autres luttent cependant et révèlent la sauvagerie des hommes, essentiellement dans le panneau des peines de l’enfer.
Parmi les personnages, on y voit des hommes et des femmes noirs utilisés comme une allégorie. En effet, la couleur noire représente le premier stade de la matière pour les alchimistes.
Des amoureux sont enfermés dans une sphère de cristal, symbole de la fragilité de l’univers. L’humanité ne pouvant être protégée du temps dans ce jardin du mal est vouée à son anéantissement. Cette image relève d’un vieux proverbe flamant qui dit : « Le bonheur est comme le verre, vite brisé ».
Les allégories sexuelles sont elles aussi omniprésentes dans ce retable. Les personnages et bêtes hybrides s’abandonnent à des plaisirs charnels. Les baies rouges, fruits des bois et fraises, gourmande moisson, sont le rappel d’un licencieux libertinage.
Bosch fait apparaître sur ses toiles des mandragores, le LSD de l’époque, qui peut ainsi expliquer sa troublante inspiration, mais il se peut que ce soit Le Datura, une plante aux propriétés hallucinogènes utilisées par lesdites sorcières, que notre roi de l’onirisme consommait. Malgré tout, son secret est emporté avec lui.
L’étude des dessins par des spécialistes permet de comprendre son emprunte au style Renaissance. Aussi, les infrarouges font naître de nombreuses recherches cachées sous des repeints.
Cette exploration est basée sur des nouveautés artistiques italiennes connues lors de son séjour à Venise. Ce voyage donne une nouvelle dimension à sa créativité. On remarque plus d’espaces, de paysages et des effets lumineux qui donnent à ses dessins une plus grande profondeur.
Des modello, baptisés aussi croquis, sont retrouvés et peuvent être mis en rapport avec des tableaux comme le Jugement Dernier ou le Jardin des Délices, mais aucun n’a vraisemblablement la fonction d’exercice préparatoire. Le contact avec la peinture latine et celle de Durer s’établit dans un échange mutuel d’influences. Vers 1510, son style s’enrichit d’effets chromatiques et d’une connaissance nouvelle sur l’architecture. Ses personnages aux visages grotesques vont occuper le premier plan pour donner une composition moderne. Ce nouveau genre est appelé tableau à « demi-figures ».
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Saint Jean-Baptiste dans le désert |
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Le Portement de croix (vers 1515-1516) |
Bosch dans le temps
Les graveurs de la fin du XVe siècle et du début du XVIe diffuseront à grande échelle ces créatures singulières.
Bosch meurt sans descendance en 1516, probablement de la peste qui emporte également son neveu Anthonis. Sur le registre de décès, à côté de son nom, est mentionné « peintre célèbre ».
Notre faiseur de Diable influence Bruegel l’ancien, quatre-vingt-dix ans plus tard, puis fût oublié les quatre siècles suivants. On le redécouvre enfin au XXe siècle dans l’inspiration des surréalistes.
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Le triomphe de la mort de Bruegel l’ancien |
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