En cette fin d’année, avec la durée des jours se réduisant et nos villes qui se parent de lumières, nous sentons déjà « l’esprit de Noël » arriver à grand pas. En comme chaque année, il est temps de se pencher sur un sujet ayant trait à ces fêtes et au folklore qui les entoure pour les rédacteurs de Faunerie.

Personnellement, j’ai choisi à travers cet article de mettre en valeur une pratique ancienne et, qui, vous allez, le voir, n’est pas pour autant désuète et conserve tout son sens. Il est donc ici question de Yule, célébration du solstice d’hiver, du triomphe de la lumière sur le période sombre. Je n’ai que peu de connaissances sur le paganisme en général et mon objectif n’est donc pas de vous donner une pléthore d’informations, mais plutôt de laisser la parole à ceux qui célèbrent ce solstice afin de recueillir leurs ressentis. Et dans le but de mettre en exergue les différentes facettes de cette tradition ainsi que d’en extraire les grands principes, j’ai donc entrepris de questionner ceux qui s’en portent les garants. Au fil de mes recherches, j’ai rencontré des gens extraordinaires, avec un très bel esprit, et tous ont accepté de participer à mon modeste projet. Ce qui m’a à ce propos touchée, c’est que la plupart des personnes que j’ai contactés était des blogueuses, et je suivais depuis un certain temps leurs sites. Certaines sont venues de leur plein gré me parler de leur vision de la célébration du solstice. Et de manière générale, l’aspect qui parait commun à toutes, c’est l’envie de se réunir, de profiter de l’ambiance bien spécifique qu’apporte l’hiver. Généralement, Yule est fêtée indépendamment de Noël, comme un hommage rendu à la Nature.
Commençons donc avec Elwenn, une blogueuse que je suis depuis quelques mois et qui tient le blog Elwenn, Fille de la Nature.
Pour elle, « chaque célébration se prépare », et Yule plus particulièrement. C’est à son sens l’occasion de réaliser les décorations avec ses trois enfants. Profondément attachée au respect de la nature, Elwenn opte pour des créations à partir d’objets récupérés ou d’éléments naturels et leur sapin est en bois 100% récup’, orné de décorations de longue date, faites maison ou naturelles telles des pommes ou pommes de pin. Les enfants ont même leur « calendrier de l’avant » en bois où rempli de bons pour des sorties, de chocolats faits maison ou de pierres adaptées à chacunConcernant la célébration, ils préparent la bûche de Yule et la décorent de gui, de houx, de sapin et de bougies, elle trônera plusieurs jours sur la table et sera brûlée pour Yule en faisant une prière et des vœux pour le retour de la lumière.
Il y a les douze prières de Yule que j’affectionne particulièrement , je les lis devant mon autel les douze jours qui précèdent le solstice d’hiver.
Vient ensuite la décoration de l’autel avec différents feuillages d’hiver comme le gui, le houx, le sapin, on y met une spirale de petits cailloux, des bougies, des images inspirantes, des pierres , ainsi que des décorations.Elwenn m’a également fait part d’une tradition qui lui est chère : se promener en forêt le matin du solstice, c’est l’occasion pour la famille se recueillir auprès de « son arbre », et d’y faire des offrandes comme des petits biscuits maison, du gui, du houx, du sapin ou encore allumer des bougies, réaliser un mandala végétal et prier pour la paix et leurs chers disparus, ainsi que pour le retour de la lumière. C’est également le moment propice pour laisser parler ses émotions et rendre hommage à ce lieu qu’ils affectionnent.Mais soyons plus terre-à-terre est parlons à présent du repas, symbole de fêtes et de réunion par excellence. Dans la famille d’Elwenn, celui-ci est végétarien voire vegan, à base de produits de saison. Elle m’a également parlé du wassail, une boisson typique à base jus de pomme bio ou de cidre. En parallèle, un grand feu est allumé, et pour vous le décrire j’ai pris le parti de conserver les paroles d’Elwenn, que j’ai trouvées très expressives :
Mon mari prépare un feu dans notre jardin, on y mettra du gui, du houx, du sapin. J’aime ces lueurs une fois la nuit tombée, on se retrouve en famille, avec ma maman et parfois des amis autours de ce feu qui symbolise le futur retour de la lumière. On y met également nos lanternes de glace et l’effet est des plus magiques ! Chacun se recueille autour du feu, on se tient la main. Une fois au chaud le wassail est le bienvenu ! On déguste ce repas préparé avec amour puis on a une pensée pour nos chers disparus.
Puis vient le temps de s’offrir des cadeaux, qu’elle différencie de ceux de Noël. Pour la majorité, ceux d’Elwenn sont faits main ou à caractère ésotérique. Elle a par exemple créé pour l’an dernier des bracelets en pierres, choisissant chacune d’elles pour leurs vertus bienfaisantes.
Edelia fait partie de ceux qui se sont spontanément présentés à moi, en m’écrivant un très beau texte.
Depuis l’enfance, elle se sentait à l’écart, bien loin de l’atmosphère austère et baignée de religion dans laquelle elle a grandi.
C’est amusant car c’est lors d’un Noël que ma sœur m’a offert L’Encyclopédie des fées de Pierre Dubois. Ce fut un révélation. J’ai avalé littéralement cet ouvrage, pourtant imposant, rempli de contes folkloriques et de figures féeriques venant de divers pays. […] Certains contes m’ont particulièrement marqués, comme les contes de « Noël ». Tante Befana, Babouchka, Dame Hölle, Tante Arie… Ces figures féminines, tantôt maternelles, tantôt « mère fouettard », veillant sur les enfants sages et punissant les garnements, cachaient un autre tableau : le cortège de l’hiver. Cette histoire de cortège prédominait dans tous ces récits, teintés de christianisme rajouté sur la couche originelle, comme un tableau peint par dessus un autre, pour en changer l’image.
Et c’est à travers cette fascination d’enfant qu’Edelia a découvert le paganisme et les festivités qui le jalonnent.
Yule, fête de la lumière, de l’hiver, prenait tout son sens. Yule incarne une renaissance, et le cortège de l’hiver est représenté par Dame Hölle et les dames hivernales menant la danse, lumière à la main. Elles symbolisent en réalité le doux passage des saisons. Yule est originellement une fête germanique, peu étonnant de voir Dame Hölle dans le tableau. Cette figure si douce, secouant un oreiller dont les plumes se changeaient en neige étincelante, a toujours été pour moi une des images fortes de cette fête. L’histoire de Dame Hölle est intéressante : même si elle est teintée, une fois encore, de morale ancienne, poussant les jeunes filles à bien faire leurs tâches ménagères et à être toujours bonnes et vertueuses, j’y vois pour ma part une préparation à traverser les mois d’obscurité, accumulant les chandelles dans sa maisonnée. L’hiver sera alors étincelant, aux mille flocons cristallins qui illumineront vos nuits. Là où cette saison est propice à la morosité, cette fête ramène de l’espoir, rappelle que la lumière n’est jamais loin, même en pleine nuit froide où le coton du ciel cache les étoiles.
À Yule j’ai souvent une pensée pour le folklore germanique, pour Dame Hölle, qui, même si elle ne fait pas partie de mes « panthéons » les plus prisés, garde une place dans mon cœur. Elle fait partie de celles qui m’ont ouvert les yeux sur qui j’étais réellement. Je n’oublie jamais le cortège de l’hiver et je me plais toujours à l’imaginer : des dames et sires féeriques, de toutes origines, vêtus de blanc et de bleu, sur des traîneaux d’argents tirés par des cerfs blancs et autres créatures de toute beauté, portant la lumière, celle de l’espérance, celle qui appelle le printemps à venir.
Avec ses amies, elles ont pris l’habitude de fêter Yule ensemble, ce qui leur permet de s’échanger des présents et de réfléchir à leurs projets.
C’est une période ou l’on s’autorise plus facilement à rêver, et la méditation devient un moyen de retourner à ce stade de l’enfance.
Pour Véronique, créatrice du site Paroles de Sorcière, fêter Yule et les différentes étapes du cycle de la Nature tombe sous le sens et relève d’une tradition familiale.
J’ai toujours fêté Yule en fait, ma grand-mère était « catho » et en même temps très connectée à la Nature et à ces cycles. Depuis l’enfance, j’ai conscience des 4 phases astrologiques principales.
Elle a donc toujours célébré les deux fêtes, d’abord le solstice puis, quelques jours après, la Nativité. Elle se rappelle de l’arrivée de l’hiver comme d’un moment féerique, car la tradition familiale consistait à allumer un grand nombre de bougies à l’extérieur de leur maison.
Cette nature éclairée de milles petites flammes était féerique vue des fenêtres de la maison.
Mais c’est lorsqu’elle a eu vingt ans que Véronique a pris conscience de la dimension plus spirituelle de ce sabbat, symbole d’espoir et de renaissance. Aujourd’hui elle continue à fêter Yule, puis Noël, comme dans son enfance, et dit elle-même que cela n’est pas incompatible avec le paganisme.
Les préparatifs commencent par la « Couronne de l’avent Yule », dont les quatre bougies symbolisent les quatre éléments qui correspondent aux quatre saisons passées.
A chaque bougie allumée le dimanche, en hommage au soleil, nous méditons sur les événements passés pour chacune des saisons. La dernière bougie allumée pour le solstice est une bougie remplie d’espoir où nous posons nos intentions pour l’année à venir.
Éclairer la nuit de Yule de dizaines de petites bougies placées en extérieur est devenu pour sa famille une tradition. Et concernant Noël, pas de crèche, ni symbole religieux, simplement l’arbre de Yule, et le réveillon se fait entouré de la famille mais également de proches qui sont seuls.
Noël chez nous veut dire partage et espoir sans connotation religieuse… juste de l’amour et de l’amitié.
Jennifer Darymple, elle, est illustratrice pour la littérature jeunesse et a fait du calendrier cyclique sa mesure du temps, comme elle le dit elle-même.
C’est son compagnon qui lui a transmis cet art de vivre en accord avec la Nature, qu’elle appelle Paganisme. Et voilà vingt ans que toute sa famille vit dans cette tradition. Son métier est pour elle un moyen de partager ce mode de vie, ainsi dans ses ouvrages, on peut retrouver « la ronde des saisons ». A travers Yule elle célèbre le retour de la lumière qui atteindra son apogée au sabbat de Litha, correspondant à la Saint-Jean, c’est également pour elle synonyme d’hospitalité et de partage de joie. Il est important pour elle de décorer son foyer aux couleurs de cette célébration : du vert sombre pour symboliser la végétation, du rouge et du doré pour apporter de la chaleur. Et en ce qui concerne le sapin, la famille a choisi d’en faire un à partir de la naissance de leur enfant, c’est un symbole très parlant si l’on se réfère à la tradition.
L’arbre monde se dresse donc et la fête commence avec sa décoration. Rendre hommage à l’Axe de vie, et ici à Yule, le toujours vert. Nous pouvons aussi à ce moment raconter l’éternelle bataille entre les deux géants ou rois : le roi Chêne et le roi Houx, l’un symbolisant la saison lumineuse et l’autre la saison obscure. Au solstice d’hiver le roi Houx est au pic de sa puissance, mais ses forces, à partir de ce jour, vont diminuer laissant place au géant Chêne, le lumineux.
Jennifer Dalrymple, auteure-illustratrice écologiste profonde, païenne-soeurcière, travaille à reconnecter l’humain et la nature, l’humain à sa nature.
Enfin, j’ai recueilli le témoignage de Jungle, créatrice de Bewitching Poisoner, blog axé sur le le paganisme et l’art de vivre.
Jungle fête Yule indépendamment de Noël, car elle fait une distinction entre ses croyances et le fait de se réunir avec ses proches. Là encore, l’idée est de s’inspirer de la nature pour décorer sa maison, mais en se passant de sapin traditionnel pour des raisons écologiques. Elle opte ainsi pour un sapin crée à partir d’objets recyclés ou quelques branches décorées. Ces décoration sont l’occasion d’une promenade en forêt pour cueillir avec précaution les végétaux nécessaires, « toujours en remerciant la Nature de ce don ». Les plantes sont choisies pour leur symbolique : le houx en hommage au roi Houx, de gui qui représente l’immortalité, particulièrement sacré pour les druides ; le lierre, l’if et le sapin, plantes « toujours vertes ». Pour elle, chacun peut fêter Yule à sa manière et peu importe ses moyens, et ce n’est pas la fête en elle-même qui porte une aura particulière, c’est toute la saison qui l’entoure.
Spirituellement, elle aussi allume une bûche grâce à laquelle elle peut pratiquer la divination.
Il est coutume également de garder cette bûche enflammée douze heures durant, afin de porter chance pour l’année à venir.
Mais c’est également pour elle un moment de réflexion et de recueillement, lui permettant une mise au point sur l’année qui vient de s’achever et de se donner des objectifs pour la nouvelle. Notons au passage que la fin du Grand Cycle est marquée par la Samhain qui a lieu le 31 octobre.
Afin de recommencer le cycle sur des bases saines, elle pratique également des rituels de purification et de protection et, pour y voir plus clair sur les événements à venir, la cartomancie.
Je fais toujours un travail personnel pour me libérer du mauvais, que ça soit un comportement, l’entourage parasite, de la malveillance ou des mauvaises habitudes. J’entame aussi une réflexion sur au moins un aspect positif que j’aimerais accomplir d’ici le prochain solstice d’hiver.
Jungle conseil également la méditation afin de se lier à la lumière profonde de la saison, une bonne amorce pour quiconque veut se lancer dans les travaux divinatoires.
Le cœur de cette célébration consiste à couronner le retour de la lumière dans nos êtres et dans la Nature, ainsi qu’à recréer notre équilibre entre ombre et lumière.
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Article intéressant ! Pour ma part, j’ai rencontré le mot « Yule » dans le texte anglais de la célèbre chanson de Noël « Deck the Halls ».